Après avoir perdu son dernier sou dans un jeu d'argent, Raphaël De Valentin songe à se suicider. Désolé, un vieil apothicaire lui présenta une peau de chagrin soi-disant capable d'exaucer le moindre de ses souhaits. Entre surnaturel et démoniaque, cette dernière maudit cependant son propriétaire à un pacte dans lequel son âme lui appartiendra une fois sa dernière faveur accomplie. Désespéré, Raphaël accepta la peau de chagrin malgré les mises en garde de l'apothicaire. C'est à ce jour que la vie du jeune homme bascula de la main du destin diabolique. Dans un premier temps, les pensées et les désirs de Raphaël s'envolèrent de même que la peau se consumait dans les cendres: Il obtint l'héritage conséquent d'un oncle et l'amour de sa jeune voisine. Il devint immensément riche et cumula gloire et succès dans les soirées mondaines de l'époque. Plus tard, il utilisa les pouvoirs de la peau de chagrin pour nourrir ses ambitions d'un cran supérieur avec la rédaction d'une œuvre littéraire : La Théorie de la volonté. Enfin, le bonheur devint malheur lorsque, rongé d'une maladie incurable et mystérieuse, Raphaël comprit les conséquences de ses actes en un coup d'œil sur la peau de chagrin rétrécie. Pour éviter tout désir ou toute volonté d'être énoncée, il vécut en ermite. La foudroyante réalité frappa son visage chétif et pâle: Malgré les pouvoirs de cette peau de chagrin, sa dernière volonté silencieuse fut celle de vivre encore. Dans un dernier soupir de bonheur, l'homme devint cadavre après avoir donné une ultime preuve de son amour charnel pour Pauline, sa femme, d'une morsure en son sein. C'était là, son dernier souhait que la peau de chagrin emporta dans ses cendres avec l'âme de Raphaël.




Louise naquit dans une famille mondaine des plus pauvres de l'époque. Sa vie entière était aux allures d'une grande salle d'exposition sur la beauté où elle figurait parmi les œuvres discrètes d'un artiste prometteur mais méconnu. Sa présence dans les soirées mondaines, son essence même représentait un tableau mondain dans lequel on ne percevait d'elle qu'une tache de peinture au loin entre les plus belles créatures qui soient. Son père était un homme cultivé mais il utilisait son savoir pour se prévaloir aux autres. Il espérait sans doute se montrer plus noble que les nobles dont le compte en banque semblait cumuler les zéro comme on comptait les étoiles. Sa mère était une femme aigrie et respectueuse des valeurs féminines. L'éducation de Louise était incontestable mais limitée aux demandes de l'époque. Louise était belle, elle était sage, elle était pudique, elle était respectueuse des mœurs mais surtout, elle était prisonnière. Le jour où Monsieur William Apotticaire*, un modeste écrivain anglais de famille modeste, demanda la main de sa fille à Monsieur De Valentin, la vie de Louise prit un tout autre tournant de Paris jusque dans les rues de Londres. l'époux de "la belle brune" comme celui-ci la surnommait vulgairement dans leur couche, était un homme fantasque mais aimant et passionné. Sa stérilité fut une tragédie pour la famille De Valentin mais était pour Louise qu'une tache discrète sur le magnifique portrait de son époux. Les longues années à côtoyer cet homme lui donna pour goût la lecture, chose qu'elle faisait déjà secrètement dans la bibliothèque de son père, et de l'écriture. Se voulant cependant être une femme exemplaire, son imagination seule laissait pensive la femme à des ambitions qu'elle ne pouvait se permettre. Le théâtre de sa pensée la rendait désirée, glorieuse, riche de sa passion cachée et offerte au premier plan sur les tableaux des plus grands peintres. Elle se laissait aller à remplacer son époux dans le rôle de l'auteur dans ses rêveries et arborait à ces jours paisibles un sourire doux dissimulant ses pensées prohibées.

Le rideau de la nuit s'ouvrait pour faire place au jour, Louise veillait aux sommeils agités de William dont les derniers souffles annonceraient bientôt la fin de son acte favori. Un appel sourd et la voilà de nouveau présente pour lui. Il tendit la main vers elle, cette dernière était froide maintenant. Ses dernières paroles furent rédigés à l'encre sous l'audience attentive du notaire de la famille. William, Apotticaire de son nom, offrait gracieusement à sa mort la totalité de ses biens à sa femme aimante et aimée, sa belle brune cru entendre Louise dans un souffle amusé, ainsi que la fortune gagnée sous la signature de ses oeuvres. La mort ferma ses paupières mais n'enleva nullement le sourire qu'il réserva à Louise dans son dernier soupir. Le médecin présent dans la pièce diagnostiqua William, comme il le fit pour elle inconsciemment, décédé à ce jour.

Une mauvaise toiture noya dans l'eau de pluie les trésors cachés du grenier de la demeure l'année suivant la mort de son époux. Louise De Valentine honorait le travail de son époux dont les chiffres doubla des suites de sa mort. Elle se faisait depuis ce jour le plaisir d'utiliser sa machine à écrire pour rédiger dans l'ombre des nouvelles qu'elle conservait dans son bureau sans que quiconque ne les lisent. Elle n'avait jamais osé pénétrer dans l'antre poussiéreux et, dorénavant, noyé du désordre de William. L'inventaire désastreux la fit soupirer tandis que d'une main hasardeuse elle découvrit la présence d'une peau gorgée d'eau de pluie. La tournant dans tous les sens, elle put lire à voix haute les inscriptions suivantes: "Si tu me possèdes, tu possèderas tout. Mais ta vie m'appartiendra. Dieu l'a voulu ainsi. Désire, et tes désirs seront accomplis. Mais règle tes souhaits sur ta vie. Elle est là. A chaque vouloir je décroîtrai comme tes jours. Me veux-tu ? Prends. Dieu t'exaucera. Soit !"**. Le domestique présent à ses côtés, étonné, s'enquit d'exclamer son admiration envers sa maîtresse et de sa connaissance en la langue arabe. Cette dernière fut moins enchanté et se contenta de réprimer un "Non, je ne connaissais guère son existence."